Tintin au Pays des Soviets

 28. únor 2011  Mathieu Detaille   komentáře

En 1929 sort le premier album d’une série pionnière dans l’univers de la bande dessinée. Les deux premiers volumes ne bénéficiant pas d’une publication en République tchèque, je vous propose ce mois de nous arrêter sur Tintin au Pays des Soviets. Au fil des pages, nous mettrons en lumière les fâcheux travers de l’ouvrage, mais aussi ses forces, celles qui feront de Tintin un des héros de bande dessinée parmi les plus lus au monde, et créé par Georges Remi – dit Hergé.

Tintin au Pays des SovietsTintin au Pays des Soviets

En 1929 sort le premier album d’une série pionnière dans l’univers de la bande dessinée. Les deux premiers volumes ne bénéficiant pas d’une publication en République tchèque, je vous propose ce mois de nous arrêter sur Tintin au Pays des Soviets. Au fil des pages, nous mettrons en lumière les fâcheux travers de l’ouvrage, mais aussi ses forces, celles qui feront de Tintin un des héros de bande dessinée parmi les plus lus au monde, et créé par Georges Remi – dit Hergé.

Commencer avec cet album, c’est suivre l’ordre logique de la série, mais c’est aussi choisir la difficulté. Il est raisonnable de penser que si Tintin au Pays des Soviets et Tintin au Congo ne sont pas publiés partout, c’est parce que leur contenu est rempli de préjugés racistes. Ils sont à lire avec énormément de recul, à moins de risquer d’être choqué au point d’intenter un procès... demandant l’arrêt de sa publication, comme c’est le cas dans le pays où il a vu le jour : la Belgique 1.

Tintin est reporter. C’est son métier, et son employeur est le journal le XXème siècle 2. Ses articles sont destinés au supplément jeunesse, le Petit Vingtième. Tintin est présenté comme un des meilleurs journalistes du journal, et il se voit confier la mission d’un reportage en Russie soviétique. Dès la première page, et alors qu’ils sont encore en Allemagne, un espion tente de l’assassiner en faisant exploser son train. Nous sommes en 1929, dans l’entre deux guerres, et l’Allemagne est présentée comme aussi dangereuse que la Russie. Le jeune reporter ne se laisse pas faire, et se déguise pour entrer coûte que coûte en Russie. Pas de trace de la Pologne sur le chemin, bien qu’à l’époque elle s’étendait entre les deux pays.

En Russie, il est poursuivi dès le passage de la frontière. Relevons au passage que Tintin, bien qu’étranger et ennemi, est présenté comme un citoyen. Pour les lecteurs, le mot prend une couleur particulière. En effet, en français, un citoyen est une personne intègre qui jouit de ses droits et se soumet à ses devoirs, mais n’est pas utilisé pour désigner un ennemi d’État. Cette contradiction sonne faux et, déjà à l’époque, donnait l’impression que la Russie est un pays étrange où les gens sont tous des frères qui s’entretuent. Le rôle de la Révolution française et de la Commune de Paris (la première application communiste grandeur nature), qui ont également utilisé citoyen de cette manière et avec les mêmes contradictions, jouent un rôle important dans l’image que dégage ce mot tel qu’Hergé l’emploie.

Les hommes de main sont présentés comme stupides, à l’instar de ce malfrat qui glisse sur la peau de sa banane. Par contre, le commanditaire, celui qui organise et décide des crimes, est systématiquement cruel et redoutable. Cela restera une constante dans toute la série Tintin. Il y a vraisemblablement à y voir un concept scénaristique global, dont les grosses ficelles sont testées ici, plutôt qu’une critique des communistes. Tintin lui-même est stupide à plusieurs reprises dans cet album, notamment quand il tombe du train parce qu’il a essayé de le prendre en marche. Cette forme d’anti-héros se retrouvera beaucoup moins dans les albums suivants, pour disparaître complètement dans les derniers. Autre contradiction du personnage : son apparence n’a rien à voir avec sa force. De nombreux essayistes se sont penchés sur l’âge de Tintin3, car son physique n’a rien d’engageant. Jeunet, gringalet, il n’a rien d’un surhomme mais terrasse aisément les plus redoutables muscles.

Un peu plus loin, une planche de contextualisation montre un délégué communiste présentant avantageusement la Russie à des communistes étrangers anglophones. Cette scène est particulièrement intéressante à plusieurs points de vue. En effet, ces étrangers sortent renforcés dans leur conviction que le communisme fonctionne parfaitement. Le délégué russe parle, lui, des pays bourgeois, faisant référence aux pays ouest-européens. Tintin, en excellent reporter, a des doutes et veut « en avoir le cœur net ». Il découvre très vite que l’usine géante qui était présentée aux communistes européens était factice, et que la fumée était simulée par un vulgaire feu de paille. Tintin, regardant le lecteur, conclut par « Et voilà comment les soviets roulent ces malheureux qui croient encore au paradis rouge ». Ainsi, pour Tintin, la question est définitivement réglée : le communisme est une fumisterie, et les gens qui y croient sont bêtes. Et aux yeux du jeune lecteur il a raison car Tintin l’a vu et l’a montré, lui, le meilleur reporter du Petit Vingtième. Rappelons que nous sommes en 1929 et que l’hésitation entre communisme/socialisme et libéralisme est loin d’être réglée. Cette image de la fausse usine persistera longtemps dans l’imaginaire collectif belge.

L’égalité des personnes prônée par le communisme est également prise à parti. Dès la planche suivante, Tintin rencontre un sans-abri, ce qui en soit est déjà perçu comme anormal dans un pays communiste. Personne charitable, Tintin l’emmène prendre un repas avec lui, car il n’a « pas d’argent à [lui] donner ». Mais l’aubergiste russe ne souhaite pas servir un repas à un « vagabond », qu’il désigne par « ça » au lieu de « lui ». Quel comble pour un pays socialiste de parler d’une personne comme si elle était une chose ! Pire encore, Tintin est trompé par sa bonté car le vagabond s’avère être un espion qui veut le tuer. Le reporter occidental est victime de sa compassion, et il a failli le payer cher. Nous pouvons également retourner l’argument, car si le sans-abri était un espion, c’est qu’il savait que les occidentaux étaient naïfs et que Tintin tomberait dans le piège.

Cet album de Tintin véhicule des préjugés qui seront tenaces. Je me rappelle que l’on nous parlait du malheur communiste dans des termes approchant ceux rencontrés dans Tintin au Pays des Soviets. Au contraire de Tintin au Congo, depuis longtemps admis comme étant raciste et choquant, Tintin au Pays des Soviets ne sera jamais décrié. Cet album, auparavant disponible uniquement pour les collectionneurs, sera même réédité en format normal le 29 juillet 2000. La victoire d’un système sur un autre n’y est certainement pas étrangère.

Bibliographie

  1. Voir le journal suisse Le Temps pour un panorama de l’affaire :

http://www.tdg.ch/actu/monde/tintin-congo-devant-justice-belge-racisme-2010-05-10
2. Le journal le XXème siècle était catholique et conservateur, à l’instar d’Hergé. Ceci explique notamment les prises de position dans Tintin au Pays des Soviets.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Vingti%C3%A8me

  1. La sexualité de Tintin fait également l’objet de débats. A ce sujet et sur l’âge de Tintin, voir l’article et les sources de la page Wikipédia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Tintin#.C3.82ge

Odpovědná redaktorka: Selma Hamdi

 

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Titulní obrázek převzat z: http://www.sxc.hu/browse.phtml?f=download&id=467791

Jak citovat tento text?

Detaille, Mathieu. Tintin au Pays des Soviets [online]. E-polis.cz, 28. únor 2011. [cit. 2024-04-16]. Dostupné z WWW: <http://www.e-polis.cz/clanek/tintin-au-pays-des-soviets.html>. ISSN 1801-1438.

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