Le Roi des Belges

 30. září 2010  Mathieu Detaille   komentáře

La Belgique est un pays en crise politique depuis les élections de juin 2007, et il y a fort à parier qu’elle continuera pour quelque temps encore. Comme une île au milieu d’un océan déchaîné, le Roi des Belges vit au centre de l’action tout en devant servir de repère.

Le Roi des BelgesLe Roi des Belges

La Belgique est un pays en crise politique depuis les élections de juin 2007, et il y a fort à parier qu’elle continuera pour quelque temps encore. Comme une île au milieu d’un océan déchaîné, le Roi des Belges vit au centre de l’action tout en devant servir de repère.

A l’instar des autres monarchies d’Europe du Nord, la royauté belge possède de maigres prérogatives[1]. Son rôle est avant tout symbolique, et son influence sur la vie politique du pays est faible. Cependant le Roi des Belges demeure un des souverains ayant conservé le plus de pouvoirs par rapport notamment au souverain du Royaume-Uni. Il conserve entre autrre l'initiative de s'adresser à la Nation, du choix des sujets traités et de la composition de ses discours, mais sous le contreseing ministériel, alors que le discours du Trône lu par Elisabeth II a été totalement rédigé, à la virgule près, par son premier ministre.

Le Roi est entouré de conseillers, qui ensemble forment “Le Palais”. Certes, le Roi ne fait pas l’objet de plébiscites. Cela ne signifie pas pour autant que sa légitimité est nulle. En effet, la Belgique est un des rares pays où la monarchie a été instaurée démocratiquement. C’est pour cela que le Roi est appelé Roi des Belges, et non Roi de la Belgique, soulignant ainsi que son pouvoir lui a été confié par la Nation et non par une conquête privée. En effet, les bourgeois de l’époque préféraient la monarchie – qu’ils appelaient monarchie républicaine - à un président de la République car elle était synonyme de stabilité. Et dans un pays riche comme la Belgique l’était, la stabilité est fondamentale. Aujourd’hui, la légitimité du Roi des Belges tient également à la continuité de son autorité durant 180 ans et deux guerres mondiales, à son indépendance politique et à l’expérience familiale qui prépare l’héritier à ses fonctions dès son enfance. Un historien belge dit ainsi "Face aux politiciens de plus en plus discrédités, le Roi a l'avantage d'être le seul dont l'homme de la rue puisse jurer que son intérêt personnel coïncide avec celui du pays".

En Belgique, la dernière prise de position politique du Roi date de 1990[2]. Baudouin, mort en 1993, devait contresigner la loi sur l’avortement afin que celle-ci soit promulguée. En principe, il n’a pas le choix: ce que décide le Parlement ou le Gouvernement émane de la Nation, il est obligé de signer. C’est constitutionnel depuis la création du pays. Pourtant, étant très affecté de n’avoir jamais eu d’enfant, il décide de ne pas signer cette loi. Le Gouvernement réagit vivement, et en vertu d’un article de la Constitution, il le met en incapacité de reigner et promulgue lui-même la loi, reléguant du même coup la valeur de la signature royale au rayon des symboles.

Albert II, Roi depuis 1993, est arrivé sur le trône presque par hasard. Quatre ans plus jeune que son frère Baudouin, il était déjà considéré comme âgé pour prendre la Couronne et il était pressenti que le jour venu, il céderait la place à son fils Philippe, lequel avait les faveurs de Baudouin. C’est donc un homme méconnu et peu préparé à la fonction qui est monté sur le trône le 9 août 1993, suite à la mort prématurée de son frère.

Sa bonhommie et son émotivité se sont peu à peu fait jour, lors de sa prestation de serment ou de ses 15 ans de reigne, qui lui ont valu une affection réelle de la population. Depuis les années 2000 pourtant, avec l’évaporation progressive des symboles de la Belgique, sa fonction a plusieurs fois été remise en cause par les politiciens flamands et certains libéraux francophones.

Avec la crise de 2007, la fonction principale du Roi a reçu une importance nouvelle. En effet, le Parlement et le Gouvernement étant issus de coalitions majoritaires de partis flamands et francophones, il est nécessaire d’avoir un intermédiaire qui représente la continuité du pays pour mettre en selle les différents pontes politiques du pays. Le rôle du Roi peut être vu comme un organisateur qui choisit l’endroit et les arbitres d’un jeu d’échec[3], mais que les pions décident eux-mêmes des règles du jeu. C’est peu, mais c’est essentiel. Pour se faire une idée précise des choix à arbitrer, il rencontre tous azimuts: partis politiques, acteurs de la société civile (associations, syndicats...), des entreprises, etc.

Concrètement, après une élection fédérale, le Roi entre en jeu. C’est à lui d’initier les négociations politiques en vue de la formation du prochain gouvernement[4]. Pour cela il convoque un informateur gouvernemental, généralement issu de la deuxième famille politique ayant gagné les élections. Cet informateur devra rechercher une ligne de compromis entre différents partis et remettre un rapport au Roi. Suite à ce rapport, le Roi désigne un formateur gouvernemental, en général la personne ayant remporté le plus de voix dans la famille politique ayant gagné les élections. Le formateur est chargé de conclure un Accord de Gouvernement avec des partis représentant ensemble une majorité électorale. Cette personne devient, à de rares exceptions près, le Premier ministre du nouveau gouvernement. L’Accord de Gouvernement doit être validé par le Parlement, qui du même coup avalise les choix du Roi.

Former un gouvernement en Belgique n’est pas une chose aisée, et depuis 2007 c’est un véritable chemin de croix. Ainsi, les étapes d’information et de formation sont souvent temporisées par d’autres, et le Palais royal s’est fait une spécialité de créer de nouveaux termes pour chacun des nouveaux rôles qu’il a du octroyer à différents représentants politiques belges[5]. Le but est toujours le même: obtenir un Accord de Gouvernement à présenter devant le Parlement.

Les personnalités que le Palais désigne, les missions qu’il leur confie, même les moments de pause, sont autant d’initiatives qui émanent du Roi, suggérées ou non par les partis politiques. Dans les épisodes récents de la crise belge, le 29 août le formateur Elio di Rupo arrive chez le Roi en le priant d’accepter sa démission. Ce dernier refuse et lui conseille d’aller jusqu’au bout de sa mission[6]. Celle-ci ayant échoué, le Roi demande l’intervention de deux médiateurs royaux à la mission volontairement imprécise[7], afin que la formation du gouvernement ne soit pas interrompue - évitant ainsi une crise de régime, tout en stimulant en coulisses une reprise des négociations entre di Rupo et de Wever.

On le voit, en Belgique le Roi n’est pas un usurpateur du pouvoir démocratique, mais un facilitateur de relations entre opinions divergentes. Et à ce titre, sa fonction est capitale.


Sources :

[1] Les paragraphes 2 et 3 sont principalement inspirés deJ. STENGERS, L'action du Roi en Belgique depuis 1831 - Pouvoir et influence, 3ème édition, Racine, Bruxelles, 2008.

[2] Voir le site officiel de la Monarchie belge: www.monarchie.be/fr/histoire/baudouin

[3] Voir le site officiel du Gouvernement belge: www.belgium.be/fr/la_belgique/pouvoirs_publics/autorites_federales/roi/role_politique/

[4] Voir le site officiel du Gouvernement belge: www.belgium.be/fr/la_belgique/pouvoirs_publics/autorites_federales/gouvernement_federal/formation_gouvernement/

[5] Certains journaux ont d’ailleurs joyeusement compilé le lexique royal. Voir notamment la DH: www.dhnet.be/infos/elections-2010/article/315059/le-petit-lexique-royal.html

[6]  Voir le site de la RTBF: www.rtbf.be/info/belgique/politique/negociations-bloquees-elio-di-rupo-se-rendrait-chez-le-roi-ce-soir-249327

[7] Voir le site de la RTBF: www.rtbf.be/info/belgique/politique/les-deux-mediateurs-royaux-au-travail-mardi-251557

Odpovědná redaktorka: Selma Hamdi

Titulní obrázek převzat z: http://www.sxc.hu/photo/871984

Jak citovat tento text?

Detaille, Mathieu. Le Roi des Belges [online]. E-polis.cz, 30. září 2010. [cit. 2025-03-17]. Dostupné z WWW: <http://www.e-polis.cz/clanek/le-roi-des-belges.html>. ISSN 1801-1438.

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