La Belgique, et apres?

 30. květen 2010  Mathieu Detaille   komentáře

Le 22 avril 2010 , la Belgique est entrée dans une nouvelle phase de son histoire. Ce jour-là, l’État a vacillé.

La Belgique, et apres?La Belgique, et apres?

LE COUP DE FORCE DU 22 AVRIL

Le 22 avril 2010 [1], la Belgique est entrée dans une nouvelle phase de son histoire. Ce jour-là, l’État a vacillé. Les tensions entre Flamands et Wallons atteignirent leur paroxysme  [2] : les extrémistes flamands envahissaient la Chambre [3] en chantant l’hymne flamand, le Roi tentait d’éviter un vote Flamands contre Francophones en convoquant le président du Parlement, les députés francophones couraient afin de réunir vaille que vaille des signatures permettant de contrer ce vote [4], les médias suivaient en direct cette fronde flamande invraisemblable où le droit belge semblait accessoire. Le canular de la RTBF « Bye Bye Belgium  [5] » prenait presque des allures de prémonition.

Cette journée exceptionnelle fut ressentie par beaucoup comme un jour décisif  [6] : celui où les Flamands montraient leur détermination intangible, qui transcendait tous les partis, des extrémistes (Vlaams Belang) aux plus modérés (Open VLD). Ce jour-là en effet, c’était l’Open VLD (libéral) qui dégainait et dirigeait un coup de force flamand, souhaitant voter le dossier incendiaire de la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvoorde [7] majorité flamande contre minorité francophone, alors même qu’il venait de faire chuter le gouvernement et que le Premier ministre était chez le Roi. C’est en quelques sortes utiliser le Parlement contre les Francophones après avoir mis hors jeu le gouvernement, et nier la fonction royale. Des actes d’une gravité sans précédent en Belgique, allant à l’encontre de la tradition parlementaire belge – une des plus vieilles du monde.

LES ÉLECTIONS DU 13 JUIN

La chute du gouvernement a engendré des élections fédérales anticipées. Du côté francophone, les élections du 13 juin n’étaient pas désirées [8]. Tous les partis souhaitaient aller jusqu’au terme de la législature en 2012 pour gérer au mieux la crise économique. Il n’en fut donc pas ainsi. Contraints et résignés, ils se sont lancés dans la courte bataille électorale de quarante jours entre la dissolution de la Chambre et les élections.

Le thème de campagne dominant les partis francophones est donc le « socio-économique ». Sujet compréhensible à certains égards car la crise économique fait s’envoler le chômage, et la crise bancaire belge de 2008 [9] reste dans la mémoire de la population par sa gravité. Il est moins compréhensible cependant en regard des tensions communautaires actuelles.

Du côté flamand, le thème de campagne est la réforme de l’État. Tous les partis, du plus modéré en la matière (Open VLD [10] ) au plus radical (N-VA [11] ) demandent une Belgique confédérale.

La Flandre a une volatilité de l’électorat nettement plus marquée qu’en Wallonie. Les électeurs flamands choisissent les partis prônant une Flandre autonome et sanctionnent ceux qui renoncent à leurs promesses électorales. Aux élections fédérales de 2007 [12] sur le thème de la réforme de l’État, le CD&V/N-VA (sociaux-chrétiens alliés aux radicaux N-VA) et l’Open VLD s’étaient distingués et avaient gouverné au fédéral. Trois ans plus tard et après l’explosion de l’alliance entre le CD&V et la N-VA pour divergences [13] durant la formation du gouvernement,  le CD&V chute [14] et l’Open VLD a perdu 6% de son électorat, perte qu’il semble stabiliser [15] grâce à ses positions plus dures.

Bart De Wever, président de la N-VA, est désormais l’homme le plus populaire de Flandre [16], et son parti est donné vainqueur des élections prochaines. Il est connu pour son franc-parler [17] et ses revendications indépendantistes pour la Flandre. 

Selon les chiffres [18] des derniers sondages, la Flandre serait littéralement submergée par une vague nationaliste le 13 juin prochain. La N-VA dont on vient de parler serait vainqueur avec 26%, mais d’autres partis flamingants profitent aussi du climat. Le célèbre Vlaams Belang est à 13% et la Liste Dedecker à 4%. Soit au total 40% d’opinions radicales en Flandre. Le CD&V, moins radical mais très ferme en matière de réforme de l’État est à 19%. Enfin l’Open VLD, qui a provoqué les élections car il voulait une avancée significative du dossier… de la réforme de l’État est à 14%.

Ainsi, le décompte final donne près de 75% de votes flamands souhaitant des modifications profondes de la Belgique donnant à la Flandre une quasi indépendance de fait.

VERS QUEL ÉTAT ?

En effet, N-VA, CD&V et Open VLD parlent désormais de Confédération belge. Bart De Wever souhaite « signer un traité entre la Flandre et la Wallonie  [19] » pour signifier que les deux communautés sont d’accord d’habiter sous le toit de la maison Belgique. Deux nations reliées par une ossature décalcifiée.

Cette confédération aurait en commun l’armée, peut-être la police et la justice. Finie la sécurité sociale fédérale, la politique économique commune, tout juste conserverait-on les outils communs à une organisation supra-nationale comme l’est l’Europe par exemple. Quant à dire que l’Europe pourra un jour prendre le relais du « toit » Belgique, il n’y a qu’un pas. Car Bart de Wever, toujours lui, a un jour affirmé que la Belgique n’était qu’un étage superflu [20] entre la Flandre et l’Europe.

Le contraste manifeste entre Flamands et Francophones témoigne de deux états d’esprit différents [21]. Les Flamands veulent une autonomie très large, les francophones parlent de problèmes sociaux dûs à la crise économique.

En ces instants existentiels, les francophones ne développent aucun projet de société à identité francophone [22], comme si l’avenir de la Belgique allait de soi. A part vitupérer [23] ou rejeter les demandes flamandes [24] en bloc, les partis ne communiquent pas sur le tournant que risque de constituer ces élections.  Bref, une réactivité molle et un manque de vision patent. Durant la crise d’avril pourtant, les responsables, solennellement affectés par la gravité de la situation, clamaient vouloir défendre les intérêts francophones [25].

La population francophone, elle aussi, semble résignée. Le sujet communautaire est évoqué comme une fatalité. Les gens s’en désolent mais ne s’impliquent plus comme lors des réactions à l’émission « Bye Bye Belgium » ou à la première marche pour l’unité de la Belgique qui avait rassemblé 35 000 personnes [26] (essentiellement francophones) durant la crise institutionnelle de 2007. La seconde marche, organisée le 16 mai 2010, a rassemblé à peine 1500 personnes [27]. La francophonie de Belgique fait un déni d’avenir à un moment crucial de son histoire.

En effet, au Sud, ce sont les revendications flamandes qui alimentent des débats toujours stériles, plutôt qu’une tentative de réponse à la question « Que ferait-on si la Flandre était indépendante?».  Tenter d’y répondre est plus perçu comme une abnégation de la Belgique plutôt que de se prendre en charge de manière pragmatique. Alors que, qui sait ?, ce serait peut-être précisément ce genre d’introspection pour un renouveau francophone que les Flamands attendent.

Les journaux francophones semblent les seuls sortis de la léthargie générale qui affecte le Sud du pays, insistant sur l’importance du vote [28] (obligatoire en Belgique), relayant les positions flamandes, suscitant le débat, titrant régulièrement sur l’avenir du pays, donnant la parole aux petits partis, etc.

APRÈS LES ÉLECTIONS

Voilà l’état d’esprit dominant chez les Flamands et  les Francophones avant ces élections. Pour l’après, plus que jamais, c’est l’incertitude. Un nouveau blocage institutionnel est tout à fait possible, plusieurs partis flamands et francophones refusant de négocier [29] avec la N-VA, le Vlaams Belang ou la Lijst Dedecker, alors qu’ils semblent indispensables pour composer une majorité gouvernementale. Un coup de force flamand est également envisageable. Pronostiquer un compromis, par contre, semble tout à fait fantaisiste dans l’état actuel des choses. La seule certitude est que la Belgique après le 13 juin 2010 sera complètement différente de celle d’avant.

L’incertitude quant à l’avenir du pays est précisément le drame belge. Le sentiment désagréable et vague dans l’esprit de la population que ce pays a son avenir entre parenthèses. Comme si la phrase [30] de Talleyrand, en participant à la création du pays (« Les Belges ? Ils ne dureront pas. Ce n’est pas une nation, deux cent protocoles n’en feront jamais une nation. Cette Belgique ne sera jamais un pays, cela ne peut tenir…») avait créé un sursaut de fierté qui dure depuis 180 ans, mais que la réalité grignotait chaque jour un peu plus. Car enfin, pas un seul enfant belge n’a grandi sans entendre autour de lui une phrase comme « Tu crois que quand tu seras grand la Belgique existera toujours ? ».

Bibliographie :

Odpovědná redaktorka a korektorka : Selma Hamdi

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[1]   http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-04-22/sans-gouvernement-la-belgique-frise-la-crise-de-regime-765871.php

[2] http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-04-22/sans-gouvernement-la-belgique-frise-la-crise-de-regime-765952.php

[3] http://www.sudpresse.be/politique/2010-04-22/la-prise-du-parlement-par-le-vlaams-belang-un-air-de-revolution-flamande-776749.shtml

[4] http://www.crisp.be/vocpol/vocpol.asp?terme=sonnette d'alarme

[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Bye_Bye_Belgium

[6] http://www.lesoir.be/debats/editos/2010-04-23/ce-pays-a-t-il-encore-un-sens-765973.php

[7] http://archives.lesoir.be/le-dossier-bhv-pour-les-nuls_t-20100416-00VNX3.html

[8] http://www.dhnet.be/infos/belgique/article/308935/les-francophones-veulent-eviter-les-elections.html

[9] http://www.rfi.fr/actufr/articles/105/article_72939.asp

[10] http://www.lesoir.be/actualite/belgique/elections_2010/2010-05-24/l-open-vld-ne-gouvernera-pas-sans-reforme-profonde-de-l-etat-771958.php

[11] http://www.rtbf.be/info/belgique/politique/pour-la-n-va-l%E2%80%99independance-reste-le-final-220401

[12] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_l%C3%A9gislatives_f%C3%A9d%C3%A9rales_belges_de_2007

[13] http://www.rtbf.be/info/belgique/politique/la-n-va-ne-soutient-plus-le-gouvernement-leterme

[14] http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/572281/barometre-la-n-va-talonne-le-cdv.html

[15] http://www.actu24.be/article/detail.aspx?articleid=DMF20100505_035

[16] http://www.rtbf.be/elections-juin-2010/les-infos/sondage-la-flandre-choisit-b-de-wever-pour-premier-ministre/

[17] http://www.lameuse.be/actualite/belgique/2010-03-30/bart-de-wever-si-la-belgique-n-evolue-pas-cela-va-aller-tres-mal-771315.shtml

[18] http://www.lesoir.be/actualite/belgique/elections_2010/2010-05-26/la-n-va-a-26-loin-devant-772430.php

[19] http://www.lalibre.be/actu/elections-2010/article/584472/un-premier-ministre-francophone-pourquoi-pas.html

[20] http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/386206/de-wever-pourquoi-s-acharner-a-maintenir-la-belgique.html

[21] http://www.actu24.be/article/detail.aspx?articleid=DMF20100514_062& ; channelid=36

[22] http://www.rtbf.be/info/belgique/politique/bart-de-wever-a-raison-220607

[23] http://www.lesoir.be/actualite/belgique/elections_2010/2010-05-25/maingain-le-confederalisme-est-un-piege-a-cons-772065.php

[24] http://www.rtbf.be/elections-juin-2010/les-infos/benoit-cerexhe-se-dit-ecoeure-des-propos-de-bart-de-wever/

[25] http://levif.rnews.be/fr/news/actualite/belgique/les-francophones-activent-la-sonnette-d-alarme/article-1194724427330.htm

[26] http://www.dhnet.be/infos/belgique/article/190584/35000-personnes-pour-l-unite-de-la-belgique.html

[27] http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-05-16/une-marche-pour-l-unite-de-la-belgique-770344.php

[28] http://www.lesoir.be/debats/editos/2010-05-03/l-electeur-n-a-vraiment-pas-le-droit-de-s-abstenir-767763.php

[29] http://www.rtbf.be/elections-juin-2010/les-infos/qui-est-pret-na-negocier-avec-la-n-va/

[30] http://www.talleyrand.org/politique/talleyrand_belgique.html

Jak citovat tento text?

Detaille, Mathieu. La Belgique, et apres? [online]. E-polis.cz, 30. květen 2010. [cit. 2024-10-03]. Dostupné z WWW: <http://www.e-polis.cz/clanek/la-belgique-et-apres.html>. ISSN 1801-1438.

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