Géostratégie d´un Premier francophone
4. srpen 2010 Mathieu Detaille komentářeplus: Alors on danse? Si les négociations sur la formation du prochain gouvernement belge sont loin d’être terminées, une chose se dessine de manière de plus en plus précise: le Premier ministre sera un francophone. C’est un évènement, somme toute logique, qui n’avait pas eu lieu depuis 35 ans.
Si les négociations sur la formation du prochain gouvernement belge sont loin d’être terminées, une chose se dessine de manière de plus en plus précise: le Premier ministre sera un francophone. C’est un évènement, somme toute logique, qui n’avait pas eu lieu depuis 35 ans.
Un évènement logique en effet, car la tradition parlementaire belge (dont on a esquissé l’importance précédemment) veut que le Premier ministre soit issu du parti de la famille politique ayant reçu le plus de voix aux élections.
Or les résultats du 13 juin 2010 donnent ceci[1] :
N-VA 17,40%, séparatiste flamand
PS 13,70%, socialiste wallon et bruxellois
CD&V 10,85%, catholique flamand
MR 9,28%, libéral wallon et bruxellois
Open VLD 8,64%, libéral flamand
SPa 9,24%, socialiste flamand
La famille socialiste est donc vainqueur (23% de votes socialistes au total fédéral) et le parti socialiste francophone apporte la majorité des voix dans cette victoire (14% de ces 23%).
Mais qui, au PS, est “Premier ministrable”? C’est un choix interne qui dépend de la stratégie du parti, souvent influencé par le nombre de votes de préférences qu’a obtenu un candidat. Il s’agit généralement du président du parti, Elio Di Rupo, cas le plus probable, ou d’une personnalité forte et reconnue par les siens, à l’instar de Rudy Demotte, président de la Région wallonne et de la Communauté française, ou Paul Magnette, dont l’autorité s’est considérablement accrue lors de la précédente législature.
Le choix d’un Premier ministre ne se fait pas à la légère: il est d’une importance capitale et stratégique, à la fois pour le parti, mais évidemment pour le pays, et, Belgique oblige, pour les bonnes relations entre les trois communautés et les trois régions.
En 2007, c’est Yves Leterme qui est devenu Premier ministre, bien que quasi-inconnu des francophones. En Flandre cependant, il avait remporté 800 000 voix, un score vertigineux[2]. Ses maladresses, son manque de vision et sa mauvaise capacité de négociation dans les dossiers communautaires ont en grande partie mené à la situation actuelle, à savoir une Belgique en crise profonde.
En 2010, si le Premier ministre est francophone, il aura comme “meilleur ennemi” son allié au gouvernement, à savoir la N-VA. Ce parti a fait preuve d’une grande clairvoyance ces dernières années, son meilleur “coup” étant de quitter les négociations de 2007 qui lui semblaient vouées à l’échec et parier sur une insatisfaction grandissante des Flamands qui jouerait en sa faveur aux élections suivantes, et qui selon toute vraisemblance seraient anticipées.
La N-VA peut ainsi, en 2010, jouer un double jeu. Son objectif a toujours été la fin de la Belgique “par évaporation du fédéral”. Un Premier ministre francophone, aussi légitime soit-il, fait ses affaires. Premièrement parce que pour la N-VA, la Belgique ne signifie pas grand chose. Ses symboles, ses hautes fonctions de l’État pas moins. Deuxièmement parce qu’un nouvel échec du gouvernement fédéral pourrait facilement être attribué à ce francophone, et prouverait de facto que les francophones sont incapables de bien gérer un État, “comme ils le font en Wallonie depuis 40 ans”. Dernièrement, un succès du gouvernement fédéral prouverait à l’opinion flamande que la N-VA est un parti crédible, capable de diriger la Région flamande.
Pour les Francophones, c’est une opportunité, presque un rêve, qui est en passe de voir le jour. C’est en effet l’occasion de montrer aux Flamands que les Wallons et les Bruxellois, souvent perçus comme les parents pauvres et fainéants du Sud, ont évolué tant politiquement qu’économiquement, et peuvent redevenir des partenaires crédibles pour les Flamands (notez le terme de “partenaire”, en usage entre les deux communautés). Un exercice difficile mais crucial pour les Francophones, qui veulent montrer qu’ils sont à présent unis, forts... et fiers d’être francophones de Belgique.
Notons également que le climat politique belge, bien que tendu, est nettement plus serein qu’en mai 2010. Les Flamands et les Francophones se font face à forces égales, presque front contre front, et des questions essentielles sont enfin posées. Dont la fondamentale: Que veut-on faire de ce pays?
Étrangement, et alors que pour beaucoup d’observateurs étrangers la Belgique est sur le point d’imploser, les tensions extrêmes des mois passés ont provoqué une prise de conscience majeure chez les politiques. Comme si la Belgique, dont la réalité est diffuse et les symboles sont faibles, avait pris une forme concrète dans l’esprit de ses dirigeants. Preuve en est la discrétion des négociations et le sérieux avec lequel tant PS que N-VA s’adonnent à la tâche, en contraste total avec les cafouillages de 2007.
Reste à voir si cette prise de conscience débouchera sur quelque chose de vivable et de viable, si leur patience tiendra bon, ou si leur conclusion sera de changer à la fois les ingrédients et la recette du plat pays.
Sources:
- Pour les résultats de ces élections, tant en votes nominatifs que pour la Chambre et le Sénat, consulter: Belgium.be
  ;http://elections2010.belgium.be/fr/
Enfin, en note, le hit musical de l’été (2009 et 2010 en Belgique, 2010 en Europe dont la République tchèque) vient du Bruxellois Stromae. Sa chanson “Alors on danse” creuse le sillon que je traçais le mois dernier: si la musique est joyeuse et déhanchée, les paroles sont pessimistes. “Je l’aime à mort mais pour la vie”, comme le dit Stromae dans une autre chanson. Phrase qui peut s’appliquer à tous les Belges parlant de leur pays. CQFD.
Odpovědná redaktorka : Selma Hamdi
Titulní obrázek převzat z: http://www.sxc.hu/photo/1034800
[1] Attention ces résultats donnent la représentation au Parlement fédéral. Ils sont souvent présentés dans les journaux (et dans mon article de juin 2010) en proportion communautaire, soit pour le PS 31% des votes francophones, et la N-VA 29% des votes flamands.
[2] Le séparatiste Bart De Wever (N-VA) l’a presque égalé en 2010 avec 750 000 voix.
Jak citovat tento text?
Detaille, Mathieu. Géostratégie d´un Premier francophone [online]. E-polis.cz, 4. srpen 2010. [cit. 2025-02-18]. Dostupné z WWW: <http://www.e-polis.cz/clanek/geostrategie-dun-premier-francophone.html>. ISSN 1801-1438.
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